Le 19 mars 2019 avait lieu une soirée sur le thème de l’IA organisée par l’association des alumni MSIT.
Olivier Coredo, Editeur d’IT for Business, animait une table ronde réunissant :
- Julie Caredda, Associée KPMG Advisory – Data & Analytics IA
- WIlliam Rang, Consultant Alteryx – Data Analytics
- CedricLe Quillec, Lead Data Science et IA de La Mutuelle Générale
- Jean-Patrice Glafkidès, Fondateur de DataValoris.
Retour sur les moments forts de cette table ronde :
OC : Quels sont les domaines dans lesquels l’Intelligence Artificielle est utilisée ?
CLQ : La Mutuelle Générale s’en sert surtout pour automatiser des processus ou pour fiabiliser des process déjà automatisés. Par exemple pour du traitement d’e-mail nous avons une IA capable de la compréhension du besoin, du ton, du degré d’urgence pour les mettre dans les bonnes files de traitement par nos services. La même chose est mise en place pour le tri du courrier postal qui est scanné. Il y a un module de reconnaissance de texte puis le traitement est identique à celui de l’e-mail.
WR : Nous aidons nos clients à prendre en main la plateforme qui permet selon les cas d’usage, de créer son IA sans code et de bout en bout. C’est-à-dire de la gestion à la mise en production des modèles en passant par la préparation de la donnée. Les premiers usages sont du ciblage client, de la maintenance prédictive, de la détection de fraude, et pour les industriels de l’optimisation des chaînes de production.
OC : Comment se passe la mise en place d’une Intelligence Artificielle ?
Une IA ça ne s’achète pas. Une IA ça se construit. Julie Carreda
JC : Bien plus qu’une tendance stratégique, il faut comprendre qu’une IA ça ne s’achète pas. Une IA ça se construit et ça prend du temps. Pour réussir un POC il faut commencer à préparer les données puis, il faut entre trois et mois d’apprentissage avant de pouvoir entrevoir s’il y aura un ROI.
CLQ : Chez nous, ce sont les métiers qui viennent nous voir maintenant avec des demandes de cas d’usage qui étaient au départ fournis par nos backlogs. On fait un POC pour s’assurer de la faisabilité technique, puis si c’est concluant on fait un pilote avant le passage en production.
80% du temps passé l’est sur de la préparation de données ! Ça doit pouvoir être raccourci ! William Rang
WR : Souvent il y a des soucis entre les personnes qui vont coder les IA en Python ou en R et celles qui vont les exploiter recoder en java ou en PHP, c’est difficile à superviser. Le scoring en temps réel donne plus de valeur au modèle : 80% du temps passé l’est sur de la préparation de données ! Ça doit pouvoir être raccourci !
JPG : Un autre point important dans la mise en place d’une IA c’est la gouvernance du projet et ses enjeux. Que va choisir l’entreprise une solution tierce ou une IA maitrisée de bout en bout ? Imaginons qu’elle choisisse un CRM avec IA dedans : si ses compétiteurs font de même, quel est son avantage concurrentiel ?
JC : Les tendances sont le process automation avec des plateformes centralisées beaucoup de volume RPA et des centres de services partagés. Toutes les configurations sont possibles et peuvent également aboutir à un succès ou à un échec. Ce qui fera la différence entre les deux ne sera pas tant les cas d’usages stratégiques que la volonté de ne pas s’arrêter sur un échec. On peut approfondir les données en augmentant leur qualité ou en en acquérant des nouvelles. Alors ça marche !
OC : Parlons de Retour sur Investissement des Intelligences Artificielles
CLQ : Pour arriver à un bon ROI la première question est : est-ce que l’IA fait mieux que la solution existante ? Il faut définir des KPI à suivre dans le cas de notre classification de courrier au début, dans un cas sur deux, elle ne savait pas faire, mais aujourd’hui on est à 85% de performance.
Une fois injectée dans le processus, l’IA nous fait gagner 30% de tâches manuelles. Les collaborateurs passent ce temps gagné sur des tâches à plus haute valeur ajoutée. Une autre source de ROI difficilement quantifiable mais bien réel est la hausse de la satisfaction client, puisque nous traitons les demandes en une demi-journée de moins qu’avant.
JC : En effet, les premiers résultats d’une IA peuvent être décevants, mais là où l’humain arrive vite à plateau dans son taux d’erreur et sa vitesse de traitement, l’IA qui continue d’apprendre, finira par le dépasser. Et même si on ne gagne que 2% sur un taux d’erreur par rapport à de l’humain, à partir du moment où les volumes sont suffisamment importants, l’entreprise trouvera son ROI.
WR : Pour parler chiffres la mise en place d’un modèle sur notre plateforme est en moyenne de 250.000$. Le temps moyen de mise en place est entre 12 à 20 semaines. Globalement 15% des modèles passeront en production.
JPG : Pour avoir un bon ROI il faut deux choses : du temps et les bonnes données. Un exemple de succès un client qui a mis en place une IA pour la prédiction des coûts des mots-clés Google. L’outil développé est plus performant que l’outil utilisé par la concurrence ce qui lui donne un avantage sur eux.
OC : Quels sont les craintes à l’arrivée de l’Intelligence Artificielle dans les entreprises ? Est-ce que les collaborateurs ont peur de voir leurs métiers disparaitre, et d’être remplacés par une IA ?
En ce qui concerne la peur de voir son métier changer ou celle d’être remplacé, les Ressources Humaines ont un rôle important à jouer. Julie Carreda
JC : Tout dépend de la sensibilité de chacun, il y a des équipes très motivées et incentivées à ajouter une IA dans leurs métiers. Au niveau des freins on voit surtout des craintes liées aux contraintes réglementaires (données RGPD). En ce qui concerne la peur de voir son métier changer ou celle d’être remplacé, les Ressources Humaines ont un rôle important à jouer. Dans les projets d’automatisation il faut expliquer la valeur ajoutée du temps gagné et valoriser les soft skills qui ne sont pas remplaçables par une IA.
Un collaborateur assisté d’une IA devient un collaborateur augmenté. Cédric Le Quillec
CLQ : Aujourd’hui on ne construit que des IA faibles, il n’y a pas de risque de les voir remplacer un collaborateur, elles ne font chacune qu’une tâche simple. En revanche, un collaborateur assisté d’une IA devient un collaborateur augmenté. Les connaissances du collaborateur restent précieuses.
Même si on sauve énormément de vies grâce à l’IA, les quelques morts qui restent ne seront pas acceptables ! Jean-Patrice Glafkidès
JPG : En effet la tendance en IA est aux assistants qui donnent des informations complémentaires pour des prises de décision humaines. On rencontre encore de grandes difficultés à accepter la prise de décision par une IA seule. On le voit dans le syndrome du mort inacceptable, si tous les véhicules étaient conduits par des IA et qu’on passe de plusieurs milliers de morts par an à seulement une poignée. Même si on sauve énormément de vies grâce à l’IA, les quelques morts qui restent ne seront pas acceptables. On peut pardonner une erreur à un humain mais pas à une IA.
Voici une sélection de questions posées par le public et les réponses apportées par les invités de la table ronde.
Q : Qu’en est-il de l’éthique dans l’utilisation de l’Intelligence Artificielle ?
CLQ : Les use case que l’on s’autorise à traiter ne sont que des cas de back-office. La question ne se pose pas pour l’instant.
JC : L’utilisation d’une IA se fait en accord des valeurs de l’entreprise. Si on trouve un biais, alors on le confronte.
JPG : Il n’existe pas encore d’Intelligence Artificielle autonome donc ce n’est pas une question d’IA. Quand les IA fortes existeront, il sera temps de se poser la question. Pour le moment on est vraiment sur des problématiques humaines. La plus effrayante éventualité à ce jour est celle des armes létales autonomes, beaucoup d’entreprises dont DataValoris ont signé une charte s’engageant contre. Cela dépend également des législations des différents pays.
Q : Est-ce qu’il n’y a pas un vide juridique autour de l’Intelligence Artificielle ?
Réponse collégiale : Même si on peut avoir la sensation qu’il y a un flou ou un vide autour de l’IA, les grands principes s’appliquent toujours. Les juges savent prendre les décisions en attendant des lois plus spécifiques.
Q : Quelle est la valeur réelle d’une Intelligence Artificielle, au sein de la machine, en dehors des données ?
JPG : Le réseau de neurone qui a appris et les poids synaptiques qui en résultent ont une véritable valeur dans la mesure où ils peuvent être vendus ou partagés. Leur valeur est un gain de temps pour les data scientists.
Q : Faut-il forcément des données propres pour être exploitées par une Intelligence Artificielle ?
JPG : Des données propres sont un prérequis pour le moment, au plus on va réussir à développer des IA fortes, au moins on aura besoin de données propres car elles seront en mesure de les nettoyer elles-mêmes.
CLQ : C’est vrai, mais dans le cas de données non structurées de type image c’est moins un sujet, car la reconnaissance d’image a fait suffisamment de progrès.
Nous souhaitons remercier l’association Alumni MSIT pour nous avoir permis de participer à cette table ronde passionnante.