Intelligence Artificielle et Souveraineté Numérique

Le 12 avril 2019 se tenait à l’Hôtel de l’Industrie un grand après-midi débat sur les thèmes de l’intelligence artificielle et de la souveraineté numérique.Retour sur les temps forts de ces échanges.

L’intelligence Artificielle aujourd’hui selon Cédric Villani :

L’intelligence artificielle lui semble mal nommée puisqu’il s’agit, pour lui, de procédés algorithmiques qui permettent d’effectuer des tâches dont on aurait cru qu’elles requièrent de l’intelligence.

Il y a presque eu de la surprise quand on a réussi à faire fonctionner les réseaux de neurones. En 15 ans il y a eu des investissements énormes et tout a changé, l’architecture système, les méthodes, les bases de données elles-mêmes qui atteignent des « tailles monstrueuses ». Finalement, aujourd’hui les choses fonctionnent mais il reste un élément de mystère, et d’inexpliqué.

L’Intelligence Artificielle va très vite devenir un enjeu de société dons les verrous se retrouvent moins dans la technologie que dans les questions humaines. Les questions et problématiques générales, la confiance et les différentes façons de voir les choses peuvent être de plus grands freins que la technique pure.

Il faut selon le député, avoir une vraie posture d’expérimentation : accepter qu’on est en train d’apprendre en conservant au maximum le dialogue entre l’usager et le développeur. Ainsi nous trouverons la bonne façon de procéder.

L’IA de demain, si on veut qu’elle puisse être européenne ne pourra se faire qu’avec le partage. La mise en commun de données et de savoir-faire. C’est à l’état de jouer le rôle de tiers de confiance afin de permettre ces échanges entre les acteurs. Comme dans le cadre de la création de la base de données nationale : le Health Data Hub. Au-delà du problème de la structuration des données ce sont surtout les enjeux de confiance qui empêchait les acteurs parfois concurrents de travailler ensemble. Rassembler les bons acteurs de l’institution à transformer et instaurer la confiance demande souvent plus de temps et se révèle plus compliqué que la plus pointue des configurations techniques.

Intelligence Artificielle et souveraineté :

L’Europe est présente en temps et en investissement dans la recherche liée à l’IA, et pourtant beaucoup de chercheurs européens font de la recherche sous des enseignes étrangères à l’Europe. Le député a cité Yann Le Cun à titre d’exemple.

Quand on parle de recherche en Intelligence Artificielle, on a souvent l’impression que cela se déroule sur les côtes Est et Ouest des Etats-Unis et entre Beijing et Shanghai. Pourtant ce qui découle du premier rapport sur l’Intelligence Artificielle fait par Cédric Villani c’est que la France prend part à toutes les branches de la recherche en IA. C’est même une particularité typiquement française. Ceci est tellement surprenant que des journalistes ont trouvé à répondre : « Si c’était vrai ça se saurait… ». Il se trouve que c’est vrai et que ça ne se sait pas !

La France a sécurisé 1,5 milliard d’euros pour la recherche en Intelligence Artificielle pour les 5 ans à venir, l’Allemagne prévoit un budget supérieur mais se déchire sur qui de l’état fédéral ou des Lands devront régler la note. Alors que le budget de la Chine est 10 fois supérieur.

L’Europe s’inquiète bien plus que les autres nations des conséquences que peuvent avoir l’Intelligence Artificielle. On s’inquiète de l’IA sans la faire alors que les autres pays, font l’IA sans se poser de questions. Pendant ce temps l’Europe prend du retard alors que nous avons les ressources pour avancer. Nous avons la bonne puissance de calcul, les bonnes ressources humaines, et les bonnes données pour aller vers le succès grâce à une Europe unie et volontaire.

Le livre Cathy O’Neil  sur les dérives de l’IA « Weapons of Math Destruction »  traduit sous le titre : « Algorithmes : la bombe à retardement » nous éclaire sur la meilleure solution pour tenir en échec ces dérives. La création d’un comité éthique indépendant, qui serait le pendant de ce qui se fait déjà avec la bioéthique et les sciences du vivant.

Nous en sommes au stade ou il faut parler et mettre sur la table les questions importantes. Il n’y a pas bcp de modifications légales à faire. On ne peut en aucun cas défausser nos responsabilités sur l’Intelligence Artificielle ou sur une base de données mal faite.

Le point de vue des professionnels du secteur :

 On va trop souvent chercher auprès des grands acteurs américains ce qui existe déjà chez nous ! La DGSI qui utilise Palantir, l’entreprise Airbus qui a passé ses données sur Google Drive… Les exemples sont nombreux, et l’inverse ne se serait jamais produit. Comme Boeing passant ses données sur un cloud européen ! Quant aux données chinoises, c’est bien simple, elles ne sortent pas de Chine. Tout est verrouillé.

Sans aller jusqu’à la position extrême de la Chine, la souveraineté des données européennes devrait être garantie par des législations comparables au RGPD.  De même les marchés publics américains ou chinois sont fermés, mais en Europe le code de la concurrence ne permet pas de bloquer les GAFAM.

Il y a encore 18 mois, l’idée admise tant par les pouvoirs publics que tout un chacun, était que les GAFA étaient la pierre angulaire du web, mais cette vision est en train de changer, selon Eric Lemaire de la société Yoocan.

En effet l’opinion publique a pris conscience des risques d’utiliser les services de ces géants qui s’approprient sans vergogne les données de leurs utilisateurs. Le scandale Cambridge Analytica est encore présent dans tous les esprits, peut-on imaginer un usage moins éthique de l’usage de nos données personnelles ? Interroge Thomas Fauré fondateur de Whaller.

Les grands groupes ne font pas confiance à une entreprise de moins de cinq ans explique Sandrine Morard de la legaltech Softlaw. Ils sont capables de préférer une solution non opérationnelle américaine qui ne sais gérer ni la langue française ni le droit européen et qui ne sera pas rentable.

Il est possible d’avoir un moteur de recherche dont le business model ne repose pas sur la collecte de données personnelles affirme Tristan Nitot de Qwant.

Ancien journaliste, Dimitri Moulins de Plussh estime que le contenu tout comme l’information, a de la valeur. Pourquoi en faire cadeau aux GAFAM et utiliser Facebook Live ou Périscope alors que des solutions françaises respectueuses des données existent ?

Lancement de l’Opération Lancelot :

Face à tous ces constats, un cluster européen de la souveraineté numérique est en train d’émerger : l’Opération Lancelot.

Les acteurs du numérique sont principalement américains, et bientôt chinois, ce qui pose un problème de souveraineté numérique de la France et de l’Europe. Avec une vision forte : créer une offre européenne qui soit une véritable alternative aux géants non-européens.

Il y a trois enjeux forts à adresser :

  • Le premier est citoyen. Il s’agit de garder le contrôle sur nos données.
  • Le deuxième est économique. Garder notre pouvoir d’achat à notre profit. C’est à dire garder en Europe les emplois, les brevets et les revenus fiscaux qui en découlent.
  • Le troisième est financier. Mieux valoriser les starts-ups européennes pour les sortir du statut de proies faciles.

Ce cluster ambitieux vise la création de trois outils pour répondre à ces enjeux :

  • Outil citoyen : un observatoire de la dépendance numérique
  • Outil économique : un cluster ouvert à ouvert à tous les secteurs d’activité impactés par la souveraineté numérique (Internet, vidéo numérique, E-commerce, agri-techs, édu-techs, fin-tech, civic-techs, emploi) pour travailler à des projets communs : SSO, force commerciale commune, suite logicielle commune…
  • Outil financier : un fonds d’amorçage européen dédié au numérique

La prochaine action du cluster sera d’interpeller les candidats aux élections européennes pour la création d’un Pacte de la Souveraineté numérique le 13 mai prochain.

L’opération Lancelot porte par des valeurs importantes comme la dignité humaine et l’entraide, valeurs qui sont également soutenues par DataValoris, tout comme la vision défendue par l’Opération Lancelot.

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