Suite à l’AI France Summit auquel nous étions convié, s’est tenu le 3 juillet 2019 une après-midi d’échange et de partage sur l’intelligence artificielle organisée par la DGE. La journée s’articulait autour d’une série de tables rondes et de prises de paroles sur le thème de l’IA, de ses enjeux et de ses opportunités. Elle fut marquée par l’intervention du ministre de l’économie et des finances Bruno Le Maire qui a présenté sa stratégie pour la France en matière d’Intelligence artificielle.
Ouverture de l’événement par Cédric O, secrétaire d’Etat chargé du numérique :
« La bataille pour l’intelligence artificielle est d’abord une bataille pour l’intelligence humaine. » Cédric O considère que l’intelligence artificielle est un véritable outil de productivité au service de l’entreprise.
Il revient sur un point essentiel : l’accès aux données. Selon lui, il faut briser les silos, connecter toutes les données et simplifier leur accès pour qu’il n’y ait « qu’une seule porte d’entrée à toutes ces données ». Cette démarche est essentielle, notamment dans le secteur de la cybersécurité et de l’énergie.
Une offre d’IA en France disponible et concrètement au service des entreprises
Anicet Mbida a animé cette première table ronde composée de 6 participants :
- Christel Fiorina, Coordinatrice du volet économique de la stratégie IA à la DGE
- Joël Le Gall, Directeur d’usine chez Faurecia
- Patrick Mansuy, Président du directoire de la société Arcure
- Sophie Rémont, Directrice de l’expertise chez Bpifrance
- Marion Calmels, Data scientist chez Seenergi
- Philippe Stoop, Directeur Recherche et Innovation de la société ITK
Revenons sur les moments forts de cette table ronde :
AM : « Philipe Stoop, vous êtes membres de l’académie de l’agriculture, qu’est-ce que l’intelligence artificielle peut changer dans le secteur de l’agriculture ? »
PS : « L’intelligence artificielle apporte beaucoup de choses, ce n’est pas forcément une révolution dans la mesure où elle permet surtout d’améliorer les services qui existaient déjà ».
Philippe Stoop nous donne des exemples concrets des apports de l’intelligence artificielle dans le secteur agroalimentaire. L’IA permet de mieux prédire le rendement des cultures, de mieux prévoir les besoins en irrigation, en fertilisation et en pesticide, et de mieux suivre le comportement des troupeaux afin d’anticiper les éventuels problèmes.
« Ce sont des services qui existaient déjà il y a quelques années mais auxquels l’intelligence artificielle permet d’apporter beaucoup plus de précision. »
AM : « Marion Calmels, qu’est-ce que l’intelligence artificielle vous a apporté ? »
MC : « L’intelligence artificielle nous permet d’anticiper certaines problématiques notamment d’un point de vue du bien-être animal. »
Grâce à l’intelligence artificielle, les éleveurs disposent d’indicateurs leur permettant d’analyser le comportement des animaux et de détecter les éventuels problèmes de santé.
AM : « Qu’est-ce que l’intelligence artificielle peut apporter dans le milieu industriel ? »
JLG : « Notre souci était de trouver une solution disruptive pour éviter les accidents avec les chariots élévateurs. »
Faurecia a trouvé la solution chez la société Arcure, un système de caméras intelligentes qui est capable de faire la différence entre un piéton et un obstacle. Chaque véhicule industriel est équipé d’une caméra « Blaxtair » qui alerte le conducteur et arrête automatiquement le véhicule en cas de danger immédiat ; « c’est un moyen actif de prévenir les collisions entre les engins et les piétons », Patrick Mansuy, Président du directoire de la société Arcure.
PM : « Cet équipement permet d’assurer un haut niveau de sécurité aux personnes qui travaillent sur le site tout en améliorant leur productivité. »
AM : « Il existe une cartographie de start-ups sur lesquelles on peut s’appuyer pour développer l’intelligence artificielle, mais comment animer ces réseaux ? »
SR : « BPI France, partenaire du ministère de l’économie et des finances, a conduit une cartographie de l’offre française en termes d’IA. »
CF : « La cartographie est une excellente base pour rendre visible cette offre d’IA. Notre objectif est de démontrer que les demandeurs peuvent s’appuyer sur cette offre au travers des réseaux que nous animons. Un de nos enjeux est de montrer que tout le pays peut être dynamique grâce à l’IA et que cela peut irriguer l’ensemble des territoires en France. »
Travailler avec l’IA : la nécessaire mutation RH des entreprises
Cette seconde table ronde, animée par Benoît Georges, journaliste des Echos, était composée de 5 participants :
- William Eldin, Co-fondateur et PDG de XXII
- Clémence Panet, Data scientist à La Banque Postale
- David Giblas, Directeur innovation de Malakoff Médéric
- Rodolphe Gelin, Expert Deep Learning, de SIA Renault
- Véronique Torner, Administratice de Syntec Numérique
BG : « Dans la Banque on fait de l’IA depuis longtemps, qu’est ce qu’on en fait et qu’est ce que ça a changé ? »
CP : « J’envisage l’IA non pas comme une révolution mais comme une évolution dans le domaine bancaire. »
Clémence Panet nous explique que les banques utilisent depuis longtemps certaines techniques qui se rapprochent de l’intelligence artificielle, notamment par la mise en place de modèles statistiques, qu’on utilise dans le milieu du marketing et dans le domaine des risques.
CP : « Les algorithmes utilisés aujourd’hui dans la banque ne sont jamais utilisés pour prendre une décision seule. Les agents doivent prendre l’IA comme un compagnon de travail et non comme un concurrent. »
BG : « Comment Malakoff Médéric a commencé à travailler avec des outils IA ? »
DG : « On rentre dans une démarche d’hybridation des métiers sous la forme d’outils d’aide à la décisions. »
D’après David Giblas, l’intelligence artificielle est là pour apporter de la valeur au métier à travers des outils de prédiction pour augmenter la performance technique.
BG : « Qu’est-ce qui fait que Renault vient embaucher un spécialiste de robotique et d’intelligence artificielle aujourd’hui ? Qu’est ce qui reste à l’humain et qu’est ce qui est propre à la machine, quelle est la répartition des tâches ?»
RG : « La voiture va devenir un compagnon avec laquelle on partagera la responsabilité de la conduite. »
Renault est une entreprise technologique, ils n’ont pas peur de la technologie, comme le souligne Rodolphe Gelin. L’IA va pouvoir changer la façon de travailler des gens.
RG : « Je crois que les experts ont toujours leur travail, car une chose qui manque encore à l’IA, c’est le sens commun. »
BG : « Comment est-ce qu’on vend de l’IA aux entreprises aujourd’hui ? »
William Eldin, Co-fondateur et PDG de XXII, évoque le problème d’acculturation de leurs clients.
WE : « Il a fallu communiquer sur ce qu’était qu’un algorithme de computer vision, et expliquer ce qu’était qu’un POC. »
BG : « Comment intégrer les compétences d’IA ? »
VT : « Il faut qu’il y ait une hybridation entre les métiers et les équipes techniques. »
Pour Véronique Torner, il est important que la direction générale se mobilise sur la compréhension et l’acculturation de l’IA.
VT : « L’intelligence artificielle ne touche pas qu’une typologie de métiers, cela va toucher tous les métiers, tous les profils. Cela relève du sujet de la DGE d’emmener toute l’entreprise dans cette transformation des profils et des compétences. »
La Signature du Manifeste pour l’intelligence artificielle au service de l’industrie
Les huit groupes industriels Thales, Valeo, Air Liquide, Dassault Aviation, EDF, Renault, Safran et Total se sont concertés avec le ministère de l’Economie et des Finances pour définir une base stratégique commune en matière d’IA. Ils signent le Manifeste le 3 juillet 2019.
Ils identifient d’une part des thématiques d’intérêt commun : la confiance,
l’exploitabilité et la certification de l’IA, les systèmes embarqués, l’IA pour la conception, la simulation, le développement, les tests et la logistique, l’IA
appliqués à la maintenance et l’industrie 4.0 ou encore l’IA au service des
systèmes critiques.
Les signataires relèvent d’autre part des enjeux communs relatifs à l’IA, qui
doivent donner lieu à une réflexion entre acteurs publics et privés : la
mutualisation de moyens de recherche et de développement,
l’accroissement de la visibilité des usages de l’IA dans l’industrie et le
recrutement de talents en France. Ils s’engagent aussi à leur niveau pour
soutenir l’action de la France dans la protection de sa souveraineté tant dans sa dimension économique que nationale.
Les signataires du Manifeste s’engagent à établir un diagnostic commun d’ici septembre 2019, le partager avec les décideurs politiques et définir d’ici fin 2019 une liste d’actions concrètes pouvant être mises en œuvre à leur niveau et coordonnées au niveau national avec l’ensemble de l’écosystème français de l’IA.
Tous les acteurs qui partagent la même vision stratégique, qu’ils soient
privés ou public, sont invités à rejoindre l’initiative.
Retour sur le discours de Bruno Le Maire
L’intelligence artificielle, qui ne cesse de se développer, suscite encore beaucoup de doutes et de craintes. Pour Bruno Le Maire, l’intelligence artificielle est « La rupture technologique ».
BL : « Il faut que ce soit une technologie que nous maîtrisions, et non pas une technologie que nous subissions, […] l’intelligence artificielle fera rapidement des vainqueurs et des vaincus. »
Le ministre de l’économie et des finances souhaite que nous gagnions du terrain. Il nous dévoile les financements prévus pour construire l’offre française d’intelligence artificielle :
- 5 milliard d’euros seront investis dans l’IA d’ici 2022
- 650 millions seront réservés aux seuls projets de recherche
- 800 millions d’euros seront investis dans l’amorçage et les premières commercialisations de projets d’IA grâce au plan DeepTech
Bruno Le Maire souligne que le rôle de l’Etat est d’investir dans les innovations de rupture qui ne seront pas rentables à court terme dans les entreprises privées.
Discours de clôture par la Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances, Agnès Pannier-Runacher
Agnès Pannier-Runacher s’exprime sur l’industrie et la réindustrialisation : « Nous devons rattraper le quart d’heure de retard par rapport à l’Allemagne et à l’Italie […], et prendre le quart d’heure d’avance. »
La secrétaire d’Etat de Bruno Le Maire nous a fait part de ses 3 priorités :
- Identifier les technologies clés sur lesquelles on peut investir et faire des acteurs français les champions industriel de demain,
- Faire émerger des projets d’innovation de rupture,
- Rapprocher « recherche publique et privée » sur certains secteurs.